Par Liliane MOKBEL
- Capitaliser sur l’éducation pour transmettre les valeurs républicaines
- Former un citoyen de la culture ensuite un citoyen du monde
Trois femmes franco-arabes, dont deux d’origine libanaise, sont sorties des sentiers battus, faisant germer une idée géniale, celle de la création de l’Ecole Supérieure Internationale de Paris (ESUIP). Une école privée, dont le siège est à Paris et dont les programmes académiques sont entièrement agréés par le Rectorat de Paris. La rentrée 2020-2021 est en cours.
Lyna Tabbal Peron, Joumana Chahal Timery et Noha Rashmawy, les trois co-fondatrices de l’ESUIP, des universitaires, ont voulu capitaliser sur l’éducation pour transmettre aux générations montantes les valeurs républicaines humanistes et la culture du patrimoine. Le projet qu’elles portent en commun concrétise la passion-message culturelle de chacune d’elle associée à un objectif ultime, celui de la formation d’étudiants dotés d’un esprit de multiculturalisme et d’ouverture basé sur un dialogue permanent avec le monde européen et le monde proche oriental dans une visée internationale. Elles avouent leur fort ancrage dans la civilisation et la culture française dont la devise est l’égalité, la liberté et la fraternité et au sein de laquelle elles se sont épanouies et mûries. En deux mots comme en mille, ce qui caractérise l’éthique de cette école est la préparation de ses étudiants à devenir des citoyens de la culture et par la suite, des citoyens du monde
Trois passions, trois départements
Lyna al Tabbal Perron, juriste, diplômée en droit international, engagée dans la défense des droits de l’Homme, a longtemps préféré l’Humanitaire au culturel, se battant vaillamment pour faire prévaloir l’Etat de droit. Plus tard, elle écrira en 2001 : «Le domaine culturel s'étend aussi aux droits sociaux, économiques et culturels, cités dans la Déclaration universelle des droits de l'homme : C'est ainsi qu'on peut constater comment l'Humanitaire fait partie du culturel. » Aujourd’hui, elle est présidente co-fondatrice de l’ESUIP. Elle y a créé le département de droit international où elle est professeur de relations internationales. Par ailleurs, elle a conclu un partenariat avec le département des droits de l'homme à l'université Jinan
Quant à Noha Rashmawi, journaliste connue, co-fondatrice et directrice générale de l’ESUIP, elle a créé le département de journalisme et de communication dont les cours sont en phase avec le changement radical qu’a connu ces dernières années ce métier. Elle a développé l’enseignement de ce métier en plusieurs langues, ce qui a suscité l’intérêt de la plus ancienne école de journalisme du monde, l’Ecole Supérieure du Journalisme –Paris (ESJ). Ainsi les deux écoles offriront dès janvier 2021, dans le cadre d’un partenariat, l’une des meilleures formations en journalisme dans le monde, en langue arabe. Celle-ci est destinée aux élèves arabophones qui veulent exercer le métier de journalisme. Noha Rashmawi, est ancienne de l’ESJ Paris. Auparavant, elle a été directrice générale de Superior School of Journalism & Communication (SSJC).
Rencontrée à Beyrouth, Joumana Chahal Timery, co-fondatrice et directrice générale de l’ESUIP, professeur chercheuse en lettres modernes, présidente de l’association «Patrimoine Tripoli Liban» et connue d’avoir accompli depuis une décennie de petits pas mais des pas sûrs en termes de lutte pour la sauvegarde du patrimoine de Tripoli d’où elle est originaire, se dit fière d’avoir réussi, en collaboration avec le ministère libanais de l’Education, à introduire un cours obligatoire sur le patrimoine dans les écoles de Tripoli du programme éducatif rentré dans les programmes scolaires au Liban nord et connu sous le nom de (Tourathi Tourathak) . Elle considère que l’inauguration du département Art, Culture et Patrimoine à l’ESUIP est tout autant l’aboutissement d’une passion que la satisfaction de besoins latents des pays du Proche Orient. Joumana Timery s’explique en affirmant que les populations dans cette région ont besoin d’être sensibilisées et éduquées sur la valeur que représente leur patrimoine dans la recherche identitaire. « Le patrimoine est la garantie pour ces peuples de la consolidation de leur appartenance à un pays mais surtout à une identité », dit-elle, insistant « qu’il y a un lien étroit entre le patrimoine, l’identité et la citoyenneté.» En réponse à une question, elle estime que la visite du président français Emmanuel Macron à la diva Fayrouz est « un signe fort de l’attachement de l’occident à la valeur que représente un patrimoine pour un peuple ». Qui des Libanais toutes confessions confondues pourraient-ils mettre en doute l’appartenance de Fayrouz et l’art des Rahbani à ce qu’on appelle le patrimoine du Liban, s’interroge-t-elle. La présidente de l’association « Patrimoine Tripoli Liban » insiste sur le fait que le patrimoine représente l’ancrage de piliers communs à toutes les composantes d’un peuple. Elle explique que l’ouverture du département Art, Culture, Patrimoine à l’ESUIP permet la création d’une formation diplômante d’agents du patrimoine et par conséquent la création de nouveaux métiers et emplois pour un marché libanais et régional demandeurs. Les futurs diplômés pourraient travailler tout aussi bien au Liban, en Syrie, en Jordanie, au Yémen qu’au Bengladesh. Le département répond également à un besoin du marché français où il existe une seule entité, l’Institut National du Patrimoine (INP), qui délivre en rythme annuel un nombre de diplômés d’agents du patrimoine insuffisant pour le marché local. Sur un autre plan, Joumana Timery met l’accent sur l’importance pour l’Etat libanais d’avoir eu entre les mains un inventaire de son patrimoine, une carte qui lui aurait facilité la mission de reconstruction des maisons anciennes classées dans la zone dévastée par l’explosion au port de Beyrouth. « Un inventaire du patrimoine archivé sur des logiciels aurait permis en un clic de sortir les plans des maisons, les moindres détails architecturaux, les photos et les cartes postales reproduisant probablement les meubles, etc », fait-elle remarquer, ajoutant que ceci aurait probablement permis au Liban de ne pas recourir à des spécialistes étrangers pour l’aider.
En conclusion, elle déclare qu’un jour viendra où il faudra prendre une décision officielle à ce sujet, rappelant avec amertume que le personnel de la Direction générale des Antiquités ne comprend que trois personnes opérant sur l’ensemble du territoire national.
Un cursus personnalisé
Le cursus à l’ESUIP va du Bac au Bac+5, programme Bachelor et Master en formation initiale. Quant au PhD, il dure 3 années après un Master 2, soit un Bac +8. L’une des nombreuses plus-values de l’ESUIP est son cursus personnalisé, qui permet à chaque étudiant de se former dans sa propre langue. L’ESUIP dispense l’essentiel de ses enseignements en français mais propose également une offre croissante de Bachelor, Mastère et PhD partiellement ou entièrement en anglais et ou en arabe. Aussi son cheval de bataille est-il une complémentarité obligatoire entre l’enseignement académique théorique et l’apprentissage pratique traduit par des stages et des formations à la vie professionnelle. L’ESUIP tient à l’accompagnement sur mesure de l’étudiant jusqu’après l’obtention de son diplôme. D’où, la recherche continuelle des co-fondatrices d’un rapprochement avec des partenaires institutionnelles dans le monde en harmonie avec leur vision de l’enseignement et partageant leurs valeurs. Dans cet esprit, elles sont en contact avec plusieurs ONG, dans le souci d’une expérience de terrain, au plus près des réalités des conjonctures présentes. Comme le souligne avec insistance, Lyna Perron, Joumana Timery et Noha Rachmawy, l’ESUIP propose un enseignement qui prend en compte l’apprenant comme acteur de sa propre connaissance.