Tyr… «Rocher» en phénicien… C’est l’une des plus anciennes villes Phéniciennes. Ses habitants l’appelaient « SR », dont l’origine pourrait être « TR », ce qui signifie « silex » ou « roche dure » dans les dialectes sémitiques.
Fondée au début du IIIème millénaire av. J.-C, Tyr était constituée en cette époque d’un double village, insulaire et continental, construit non seulement sur la côte, mais également sur le groupe d’îlots rocheux qui y font face.
La ville a connu son apogée au début du premier millénaire av. J.-C, quand son roi Hiram réalisa de nombreux projets de construction, reliant les îlots et agrandissant la ville portuaire en remblayant la mer. Mais la ville ne tarda pas à dépasser ses frontières, grâce à ses marins et ses commerçants qui ont sillonné la méditerranée pour atteindre les côtes de l’Atlantique, où ils ont fondé des colonies et des stations commerciales, dont Carthage, construite en 815 av. J.-C environ.
En cette époque, grâce aux produits de ses colonies, mais aussi à son industrie locale - la fabrication du verre transparent et du pourpre -, Tyr a connu une prospérité grandissante. Mais cela n’a pas suffi pour les commerçants de la ville qui ont également transmis leur culture aux peuples des régions où ils arrivaient. Et c’est ainsi que l’alphabet Phénicien est parvenu jusqu’aux Grecs qui, par reconnaissance, ont transcrit l’histoire de Cadmus, fils du roi de Tyr qui leur a appris l’alphabet, et de sa sœur Europe qui donna son nom au continent Européen.
Au VIème siècle av. J.-C., Nabuchodonosor, roi de Babylone, tenta d’occuper la ville, mais ses solides murailles l’en empêchèrent. Un siège de 13 ans s’ensuivit. Toutefois, l’échec des Babyloniens n’arrêta pas les macédoniens et, en 332 av. J.-C., Alexandre le Grand assiégea la ville, qui ne se rendit pas à l’instar des autres villes Phéniciennes, pendant sept mois. Toutefois, quand il désira occuper l’Egypte, il lui était impossible, d’un point de vue stratégique, de laisser derrière lui une ville résistante qui possède l’un des plus importants ports travaillant pour le compte des Perses, et qui menace de couper à son armée les approvisionnements maritimes et terrestres. Il détruisit alors la ville continentale, remblaya le détroit qui la séparait de la partie insulaire et construisit une jetée liant les deux parties de la ville, ce qui permit à son armée de parvenir à la ville insulaire et de l’occuper. Les historiens relatent que le courroux d’Alexandre face à la résistance de la ville et aux dépenses nécessitées pour lafaire tomber le poussa à détruire la moitié de la ville, à tuer ses hommes et à captiver femmes et enfants.
Trois siècles après, Tyr fut soumise à l’autorité Romaine, comme toutes les autres villes Phéniciennes. Mais elle est toutefois parvenue à garder une certaine autonomie, notamment en préservant son droit à battre monnaie, en argent et en bronze. De constructions importantes y virent le jour en cette époque, comme l’aqueduc, l’arc de triomphe et le champ de courses, l’un des plus importants du monde Romain.
Tyr connut très tôt le christianisme, et le nom de la ville apparaît à plusieurs reprises dans le Nouveau Testament. Elle fut assez prospère à l’époque Byzantine - comme en témoignent les anciens écrits, les cimetières et les anciens bâtiments de la ville -, et son évêque présidait en ce temps les évêchés des villes Phéniciennes.
En 634, les armées musulmanes ont conquis la ville sans aucune résistance des Tyriens, et Tyr connut une prospérité grandissante sous le règne des califes Omeyyades et Abbassides. Les fontaines fleurirent alors dans la ville, et de nouvelles marchandises remplirent les marchés, comme les tapis et les bijoux en or et en argent. Le commerce du sucre et des verreries s’est également accru. Toutefois, l’affaiblissement du califat Abbasside et l'arrivée des Fatimides au pouvoir en Egypte et leur contrôle des villes côtières permit à la ville de gagner une certaine autonomie, sous le règne de ses juges de la famille Bani al-Aqil.
Les solides murailles de la ville firent qu’elle ne tomba entre les mains des Croisés qu’en 1124, dix ans après la chute de la dernière ville côtière. La ville resta sous leur emprise jusqu’en 1291, lorsqu’elle fut prise par les Mamelouks. Et au début du XVIème siècle, à l’instar de toutes les villes de la région, Tyr fut soumise aux Ottomans. Elle l’est restée jusqu'aux lendemains de la première guerre mondiale, quand elle fit désormais partie de l’Etat du Grand Liban.
Position Géographique de Tyr
Située sur la côte Libanaise, sur la rive orientale du bassin méditerranéen, sur une latitude 35-16 et longitude 33-16, la péninsule de Tyr est à 85 km de la capitale Libanaise Beyrouth, et à mi-distance de Saïda et de Acre en Palestine. La ville est entourée par une étroite bande côtière d’une largeur variant entre 1 et 2 km, s’étendant de la mer au Mont Amel. La zone environnante est riche en eau douce, avec les sources de Ras-El-Ayn et de Rachidieh respectivement à 5km et à 2km au sud, et les sources de Bakbouk et Ayn-Ebrin respectivement à 3 et 7 km au nord. Sans oublier le fleuve Litani, connu à Tyr sous le nom de Kasmieh, qui coule à 10 km de la ville.
Au début du mandat Français, la ville fut divisée en neuf quartiers, nommés en accord avec la confession de leurs habitants ou avec certains sites géographiques de la région en cette époque. C’est ainsi qu’ils prirent le nom de quartier catholique, quartier orthodoxe, quartier maronite, quartier Manara (le phare), quartier Al-Masraoui, quartier Al-Joura, quartier Husseinieh, quartier Ras-El-Ayn et Albasatin, quartier de la mosquée et récemment le quartier Chebriha. Toutefois, dans son histoire contemporaine, la ville de Tyr n’a jamais connu de discrimination entre ses habitants qui ont toujours vécu sous l’égide de la coexistence, même au cours de la guerre qui a dévasté le Liban.
En 1991, alors que des fouilles étaient entreprises, des urnes funéraires, des monuments et des bijoux furent retrouvés dans la nécropole de la ville phénicienne. Ces « trésors » ont été déposés dans les coffres de la Banque du Liban, en attendant leur exposition au Musée national.
Situation Sociale et constructions
La ville de Tyr n’a pas bénéficié du développement et des constructions qui débutèrent avec l’indépendance. Elle demeura embourbée dans la négligence, comme si elle était exilée du reste du pays, tout projet de développement se confrontant aux considérations familiales et politiques qui ont régi la ville pour une certaine période.
Les Conseils Municipaux
Tyr a connu les activités municipales en 1920, avec la création de la première municipalité de la ville qui fut présidée par Ismaïl Yehya Khalil. Ce dernier ne tarda pas à démissionner et à être remplacé par Sayyed Hussein Safieddine. Toufic Halawi lui succéda en 1926.
Mohammed Asaad Abou Khalil prit les rennes de la municipalité en 1929, et elle fut présidée respectivement jusqu’en 1961 par les caïmacans Chafic Erslan, Jean Aziz, Salah Al-Lababidi, Anis Moawad et Emile Boustany, ainsi que par l’ancien Mohafez du Sud Halim Fayad.
En 1961, le gouvernement nomma un conseil municipal présidé par Mounir Arab. Abdel Rahman Khalil lui succéda en 1963, suite aux élections municipales, les dernières à avoir lieu avant 1998.
Abdel Rahman quitta ses fonctions en 1984, et la municipalité fut respectivement présidée par les caïmacans Ghassan Haydar et Moussa Dabouk, puis en 1991 par l’actuel caïmacan de Tyr Hussein Kabalan.
Suite au retrait Israélien de Tyr en 1985, de grands changements ont eu lieu dans la ville sur le plan des routes et de leur organisation, de l’électricité, de l’eau, du marché des légumes. Sans oublier l’ouverture d’un abattoir, la construction d’écoles et le développement d’un hôpital public. De nouvelles entrées pour la ville, des côtés Nord et Sud, ont également vu le jour.
Au début de 1998, des élections municipales ont eu lieu et un conseil municipal de 21 membres fut élu. Ce conseil, qui fut réélu avec la majorité de ses membres en 2005, a favorisé le développement et la croissance de la ville qui témoigne jusqu'à présent d’un important développement au niveau de la construction et du développement sur différents niveaux, notamment le projet du patrimoine culturel qui constitua un tournant dans l’image de la ville, puisqu’il entre dans le cadre d’une stratégie travaillant sur la réhabilitation de la ville afin qu’elle reprenne son rôle de « cité de Mont-Amel ». Ce projet est divisé en deux parties : la première, entièrement réalisée, consiste en la réhabilitation de l’infrastructure, des routes et des trottoirs, ainsi que l’éclairage des rues et la restauration de sites culturels qui constituent l’image historique de la civilisation de la ville. La deuxième partie du projet, qui est actuellement en cours et qui touche à sa fin, consiste en la création de jardins, de parkings, de places publiques, d’un marché commercial et d’une raffinerie pour les eaux usées, en plus de la création d’un port commercial et d’un port de pêcheurs, ainsi que la restauration des façades des immeubles pour souligner le patrimoine archéologique et culturel de la ville.
Reste à noter que Tyr est une ancienne ville touristique par excellence. Quelques pages ne suffisent pas pour résumer toute son histoire et évoquer ses nombreux sites…